Définition de FORT, ORTE

DÉFINITIONS - PROVERBES - REMARQUE - HISTORIQUE - ÉTYMOLOGIE - SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE -

Prononciation : for, for-t' ; le t ne se lie pas : un homme for et hardi ; au pluriel, l's ne se lie pas : des homme

DÉFINITIONS

1
Qui a beaucoup de force. Cet enfant deviendra fort. Cet oiseau a l'aile forte.
J'eus beau crier et me défendre [d'être berné] ; la couverture fut apportée ; et quatre des plus forts hommes du monde furent choisis pour cela
de Vincent VOITURE dans Lett. 9
Mes gens vous aideront, et je les ai pris forts Pour vous faire service à tout mettre dehors
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans Tart. V, 5
Comme elle [la jeunesse] se sent forte et vigoureuse, elle bannit la crainte, et tend les voiles de toutes parts à l'espérance qui l'enfle et qui la conduit
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Panég. St Bernard, 1
Les dernières levées étaient trop jeunes et trop faibles, il est vrai ; mais l'armée avait encore beaucoup de ces hommes forts et tout d'exécution, accoutumés aux situations critiques et que rien n'étonnait
de Philippe de SÉGUR dans Hist. de Nap. III, 3
Sémantique : Familièrement. Être fort comme un Turc, comme un boeuf, extrêmement fort.
Sémantique : Ironiquement. Il est le plus fort, il portera les coups.
Exemple : Fort de, se dit de la partie où l'on a de la force. Fort des bras, des reins.
Exemple : Fort de, se dit aussi de la chose qui rend fort.
Semblables à ces enfants drus et forts d'un bon lait qu'ils ont sucé, qui battent leur nourrice
de Jean de LA BRUYÈRE dans I
Dans le langage biblique, le Dieu fort, Dieu.
Mon âme a une soif ardente pour le Dieu fort, le Dieu vivant
de Isaac Louis Lemaistre de SACY dans Bible, Psaumes, XLI, 3
Et, ayant dressé là un autel, il [Jacob] y invoqua le Dieu très fort d'Israël
de Isaac Louis Lemaistre de SACY dans Bible, Génèse, XXXIII, 20
Il se dit de la force de certaines choses comparée à la force musculaire.
Les gros aimants, même les plus faibles, répandent en proportion leur force à de plus grandes distances que les petits aimants les plus forts
de Georges Louis Leclerc, comte de BUFFON dans Min. t. IX, p. 173, dans POUGENS
2
Sémantique : Par extension, qui a pour soi la force matérielle.
Il [l'Orient] fit Vespasien chef d'un plus fort parti
de Pierre CORNEILLE dans Tite et Bérén. I, 1
La raison du plus fort est toujours la meilleure
de Jean de LA FONTAINE dans Fabl. I, 10
Qui a pour soi la force morale, la puissance, l'influence. Vous aurez affaire à forte partie.
Mon repos m'est bien cher, mais Rome est la plus forte ; Et, quelque grand malheur qui m'en doive arriver, Je consens à me perdre afin de la sauver
de Pierre CORNEILLE dans Cinna, II, 1
Il n'a pas à combattre une forte adversaire
de Jean de ROTROU dans Bélis. II, 13
D'un Dieu plus fort que toi dépend ta destinée
de Jean-Baptiste ROUSSEAU dans Cantate, Circé.
Un Dieu plus fort que toi [vertu] m'entraînait vers le crime
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Oedipe, V, 4
Être bien fort, avoir beaucoup de force, de puissance, d'influence.
Et c'est être bien fort que régner sur tant d'âmes
de Pierre CORNEILLE dans Nicom. I, 1
Madame, on est bien fort quand on parle soi-même
de Pierre CORNEILLE dans Agésilas, IV, 1
Une mère est toujours bien forte sur une fille d'un bon naturel
de Jean-Jacques ROUSSEAU dans Conf. IX
Fort de, qui puise force et confiance dans...
Mais il faut craindre un roi fort de tant de sujets
de Pierre CORNEILLE dans Médée, I, 5
Fier de mes cheveux blancs et fort de ma faiblesse
de Pierre CORNEILLE dans Pulchér. II, 1
Et forte désormais de vos droits et des miens
de Pierre CORNEILLE dans Attila, III, 3
Ne te tiens-tu pas fort de ma poltronnerie ?
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans Amph. I, 2
Il regrettait ces temps si chers à son grand coeur, Où, fort de sa vertu, sans secours, sans intrigue, Lui seul avec Condé faisait trembler la ligue
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Henr. J.
Valois plein d'espérance et fort d'un tel appui
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans ib. IV
Sémantique : Fig. Fort de, en parlant de choses.
Des traits forts de sens [d'une morale élevée]
de LAMOTTE dans dans DESFONT
Mes vers sont durs d'accord, mais forts de chose
dans Vers de LAMOTTE, cité par VOLT. Temple du goût
Je lis le mémoire de Mme Scaliger : il est bien fort de chose [souligné par Voltaire], raisonné à merveille, approfondi, et de la critique la plus vraie et la plus fine
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Lett. d'Argental, 23 sept. 1760
Sémantique : Terme d'astrologie. Planète forte, planète qui a le pouvoir d'influer efficacement.
Se faire fort (littéralement, se donner pour assez fort, se dire assez fort pour), se porter caution, s'engager à faire quelque chose. Je me fais fort d'en venir à bout.
Le roi, s'il s'en fait fort, pourrait s'en trouver mal
de Pierre CORNEILLE dans Nicom. III, 2
Il se fit fort de les avoir à sa maison de campagne
de Antoine HAMILTON dans Gramm. 4
Se porter fort pour quelqu'un, répondre de son consentement, et aussi se porter garant pour lui.
Fort dans ces cas-là est toujours invariable : elle se fait fort, ils se font fort de.... Du moins telle est la décision de l'Académie (voy. plus bas la REMARQUE).
Main-forte. voy. ce mot à son rang alphabétique.
3
Sémantique : Terme de guerre. Redoutable par le nombre, l'armement, la position, etc. L'ennemi était plus fort que nous. Une armée forte de trente mille hommes Une escadre forte de six vaisseaux de ligne.
Votre armée est la plus forte en nombre
de Pierre CORNEILLE dans Sophon. I, 4
Une troupe aussi forte, un camp aussi nombreux
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Scythes, IV, 2
L'armée d'Alexandre, forte de trois cent mille hommes, contenait ces peuples
de Philippe de SÉGUR dans Hist. de Nap. IV, 1
Qui est en état de résister aux attaques de l'ennemi, en parlant de positions, de villes de guerre. Ville forte. La position de l'ennemi était très forte.
Le palais de Sylla, notre plus fort asile
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Catil. IV, 3
4
Capable, par la grosseur, par l'épaisseur, de résister au choc, au poids, en parlant des choses. De fortes murailles. Une poutre très forte. De la vaisselle d'argent très forte.
Il [le rouge-gorge] place son nid près de terre sur les racines des jeunes arbres, ou sur des herbes assez fortes pour le soutenir
de Georges Louis Leclerc, comte de BUFFON dans Ois. t. IX, p. 287
Sémantique : Terme de marine. Bâtiment fort de côté, bâtiment qui incline peu par un grand vent de travers. Fort en bois, qui a les côtés épais.
Il se dit de même des tissus, des cuirs, etc. Un cuir fort. Une étoffe très forte. Un ruban très fort.
Coffre-fort, voy. COFFRE.
5
Grand et puissant de corps. Un homme grand et fort. Un fort cheval.
On dit de même : Avoir la main forte, le pied fort. Il a le nez un peu fort.
Placez la main autrement, et l'on ne s'apercevra plus qu'elle est un peu trop forte et trop caractérisée
de Denis DIDEROT dans Salon de 1765, Oeuvres, t. XIII, p. 196, dans POUGENS.
L'Hercule de Glycon a le cou très fort relativement à la tête et aux jambes
de Denis DIDEROT dans Pensées sur la peinture, Oeuvres, t. XV, p. 213
6
Qui est considérable en son genre, en parlant des choses. C'est une forte maison, on y fait beaucoup de dépense. Recevoir un fort salaire. Une forte dose. Un fort détachement.
La plupart des matelots accourant où la paye était la plus forte
de Charles ROLLIN dans Hist. anc. Oeuvres, t. IV, p. 49, dans POUGENS
Colbert attira d'Italie Dominique Cassini, Huyghens de Hollande, et Roëmer de Danemark par de fortes pensions
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Louis XIV, 31
Deux cents talents ! la somme est forte, mais allez dire à votre maître que, pour me tenter, ce ne serait pas trop de sa couronne
de Denis DIDEROT dans Claude et Nér. I, 12
Un ordinaire fort, une table servie copieusement chaque jour.
Une forte entrée, une entrée copieuse. On dit dans le même sens un plat fort, un plat copieux.
7
Qui est en quelque excès sur la juste mesure.
Je soupçonne que ces mesures données par M. Mikhéli sont trop fortes, d'autant qu'elles excèdent de moitié celles qu'ont données MM. Cassini, Scheuchzer et Mariotti qui pourraient bien être trop faibles
de Georges Louis Leclerc, comte de BUFFON dans Addit. Théor. ter. Oeuvres, t. XII, p. 439, dans POUGENS.
Monnaie forte, monnaie évaluée sur un pied avantageux à celui qui la reçoit en payement.
Le roi [Charles XII] répandit au hasard mille bourses, qui font quinze cent mille francs de notre argent en monnaie forte
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Charles X'II, 6
Denier fort, voy. DENIER n° 3 et n° 8.
8
Qui a une longue portée, en parlant de la vision. Une forte lunette.
Après avoir fait répéter cette expérience à d'autres dont les yeux étaient meilleurs et plus forts que les miens
de Georges Louis Leclerc, comte de BUFFON dans Hist. min. t. VII, p. 321, dans POUGENS
9
Voix forte, voix pleine et qui se fait bien entendre.
Il [Télémaque] appelle à lui d'une voix forte les chefs de l'armée
de François de Salignac de La Mothe FÉNELON dans Tél. XVII
Sémantique : Terme de grammaire. Articulation forte, celle pour laquelle il faut fermer exactement la bouche pour la prononcer ; plus l'interception est exacte, plus l'articulation sera forte. pa, ta, ka, sont des articulations fortes ; ba, da, ga, sont des articulations faibles.
Temps fort, en fait de musique, voy. TEMPS.
10
Qui a une grande ténacité. Colle forte, voy. COLLE.
Terre forte, terre grasse, argileuse, tenace et difficile à labourer.
J'ai fait tirer de chacun de ces arbres une solive de 22 pieds, sur 5 pouces d'équarrissage ; la première solive qui venait du terrain fort pesait 281 livres ; l'autre qui venait du terrain sablonneux ne pesait que 232 livres
de Georges Louis Leclerc, comte de BUFFON dans Hist. nat. Part. exp. Oeuv. t. VIII, p. 226
11
Touffu, dru, rangé près à près. Les blés sont forts cette année. Un bois extrêmement fort. Une forte haie l'empêcha de passer.
12
Rude, difficile. Un ressort qui est très fort. Une forte tâche. Ils trouvèrent une montagne forte à monter.
Il n'est tigre d'Asie, il n'est lion d'Afrique, Ni monstre si funeste et si fort à dompter
de Jean de ROTROU dans Bélis. IV, 6
Ce cheval a la bouche forte, il a la bouche dure.
Un cheval fort en bouche, cheval qui résiste au mors.
13
Chargé, en parlant d'une couleur, d'une liqueur. Bouillon fort. Cette lessive est trop forte. Des teintes plus fortes.
14
Qui fait beaucoup d'impression sur le goût, l'odorat. Ce tabac est très fort. De fortes épices.
Liqueurs fortes, liqueurs alcooliques.
L'on n'a d'autre intempérance à leur reprocher qu'une passion démesurée pour les liqueurs fortes
de Guillaume Thomas, abbé RAYNAL dans Hist. phil. XVIII, 16
Le grand muphti, désespéré de voir les mosquées abandonnées, décida que cette boisson [le café] était comprise dans la loi de Mahomet, qui proscrit les liqueurs fortes
de Guillaume Thomas, abbé RAYNAL dans ib. III, 12
Eau-forte, nom de l'acide azotique.
Ils cherchent à réveiller leur goût déjà éteint par les eaux-de-vie et par toutes ces liqueurs les plus violentes, il ne manque à leur débauche que de boire de l'eau-forte
de Jean de LA BRUYÈRE dans VIII
Graver à l'eau-forte, graver sur une planche de cuivre à l'aide de l'eau-forte.
Eau-forte, estampe tirée sur une planche qui a été préparée à l'eau-forte. Une belle eau-forte.
15
Âcre au goût, désagréable à l'odorat. Du beurre fort.
Ceux de qui l'haleine est bien forte, Ou bien, pour parler d'autre sorte, Dont l'haleine sent les poireaux
de Paul SCARRON dans Virg. VI
La chair du faon est bonne à manger, celle de la biche et du daguet n'est pas absolument mauvaise, mais celle des cerfs a toujours un goût désagréable et fort
de Georges Louis Leclerc, comte de BUFFON dans Quadrup. t. II, p. 63
16
Sémantique : Fig. Qui a de la grandeur, de l'impétuosité, de la violence, en parlant des choses. Une forte maladie. Son pouls est fort et élevé. Forte gelée. Le vent a été fort toute la nuit. Forte douleur. Donner une médecine trop forte. Forte chaleur.
En parlant de la mer, grosse, houleuse. Une forte mer.
Il se dit, dans un sens analogue, des choses morales.
La vérité même ne serait pas assez forte contre vous
de Jean-Louis GUEZ de BALZAC dans liv. I, lett. 2
Si d'un triste devoir la juste violence.... Prescrit à ton amour une si forte loi Qu'il te rend sans défense à qui combat pour moi
de Pierre CORNEILLE dans Cid, V, 1
Qu'en présence des rois les vérités sont fortes ! Que, pour sortir d'un coeur, elles trouvent de portes !
de Pierre CORNEILLE dans Nicom. III, 8
Il est assez nouveau qu'un homme de son âge Ait des charmes si forts pour un jeune courage
de Pierre CORNEILLE dans Sertor. II, 1
Et ce qu'ils ont osé contre leur servitude N'en a rendu le joug que plus fort et plus rude
de Pierre CORNEILLE dans ib.
Votre nom pour ce choix est plus fort que le mien
de Pierre CORNEILLE dans Pulchér. I, 4
De la plus forte ardeur vous portez vos esprits Jusqu'à l'indifférence et peut-être au mépris
de Pierre CORNEILLE dans Poly. II, 2
As-tu donc pour la vie une haine si forte ?
de Pierre CORNEILLE dans ib. V, 2
Le premier sang versé rend sa fureur plus forte
de Pierre CORNEILLE dans Nicom. V, 4
À moins d'une secrète et forte antipathie
de Pierre CORNEILLE dans Sertor. I, 2
Ta forte passion est d'être brave et leste
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans Éc. des femmes, V, 4
M'en acquitter vers elle est ma plus forte envie
de Thomas CORNEILLE dans Ariane, III, 4
Je répétai deux ou trois fois la proposition accordée, ajoutant toujours quelque circonstance plus forte, mais évidemment contenue dans ce qui était accordé
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Conférence avec Claude, 2
Qui peut vous inspirer une haine si forte ?
de Jean RACINE dans Athal. III, 3
Ceux que des noeuds si forts n'ont pas su retenir
de Jean RACINE dans Théb. III, 6
J'étais comme enlevée ; il y avait quelque chose de trop fort pour moi dans la rapidité des événements qui me déplaçaient, qui me transportaient
de Pierre de MARIVAUX dans Marianne, 3e part.
Mon amour est plus fort, plus grand que mes bienfaits
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Zaïre, I, 5
Ce nouveau mouvement dans mon coeur est trop fort
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans M. de Cés. III, 5
Et sur votre vaillance J'ai fondé dès longtemps ma plus forte espérance
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Catil. II, 2
Pour murmurer jamais ma tendresse est trop forte
de Jean-François DUCIS dans Abufar, III, 6
Cela est plus fort que moi, je n'y puis résister, en parlant d'une passion, d'une habitude qu'on ne peut vaincre.
17
Un fort marchand, un marchand qui fait de grandes affaires.
On consulta enfin deux forts laboureurs et deux bons marchands de blé, et il y eut le lendemain plus de pain au marché qu'on n'en voulait
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Dict. phil. Conseiller ou juge
18
Qui a de la force d'âme, de la fermeté. La femme forte de l'Écriture.
Ô dieux ! que de faiblesse en une âme si forte !
de Pierre CORNEILLE dans Cinna, IV, 6
Une femme forte, pleine d'aumônes et de bonnes oeuvres, précédée, malgré ses désirs, par celui que tant de fois elle avait cru devancer
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans le Tellier.
Vous avez une âme forte à qui je dis quelquefois des vérités fortes
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Lett. Mme du Deffant, 21 sept. 1764
Fort contre vos raisons, faible contre ses pleurs
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Brutus, IV, 1
Nous ne pouvons jamais nous affranchir de la nécessité d'avoir un suprême empire sur nous-mêmes ; si nous ne sommes pas fortes contre le vice, nous sommes obligées de l'être contre la honte
de Stéphanie Félicité Ducrest de St-Albin, comtesse de GENLIS dans Mme de Maintenon, t. I, p. 150, dans POUGENS
Il se dit, en un même sens, de certaines choses morales ou intellectuelles.
Voyons donc ce dernier combat [l'agonie] ; mais encore un coup affermissons-nous ; ne mêlons point de faiblesse à une si forte action, et ne déshonorons pas par nos larmes une si belle victoire
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Duch. d'Orl.
On n'entendit plus parler de cette éducation forte et sévère de la jeunesse persane
de Charles ROLLIN dans Hist. anc. Oeuv. t. VI, p. 396
Je conviens que le sujet n'est guère théâtral pour nous qui, ayant beaucoup plus de goût, de décence, de connaissance du théâtre que les Anglais, n'avons généralement pas des moeurs si fortes
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Rome sauvée, Préf.
Les Mogols n'avaient plus rien de ces moeurs fortes qu'ils avaient apportées de leurs montagnes
de Guillaume Thomas, abbé RAYNAL dans Hist. phil. IV, 21
On dit quelquefois qu'une oeuvre littéraire est forte, quand elle exprime surtout des sentiments de fermeté et de courage, etc.
On joue souvent Zaïre parce qu'elle est tendre ; on ne joue pas Brutus parce que cette pièce n'est que forte
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Lett. d'Argenson, 4 juin 4739
19
Habile, capable. Vous êtes plus fort que moi aux échecs.
Je suis diablement fort sur l'impromptu
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans Préc. 10
Vous dites que vous n'êtes pas forte sur la narration
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 402
Phocion était fort en raisonnement, et par là venait à bout d'abattre et de renverser la plus haute éloquence
de Charles ROLLIN dans Hist. anc. Oeuv. t. VI, p. 86, dans POUGENS
Qui peut en fourberie être si fort que toi ?
de Jean-François REGNARD dans Légat. IV, 2
S'il est faible en talent, il est fort en intrigue
de Louis-Benoît PICARD dans Méd. et rampant, I, 2
Si monsieur est neuf sur les manières de Paris, vous n'êtes pas très fort sur la géographie
de Louis-Benoît PICARD dans Provinc. à Paris, IV, 13
Nature : Absolument. Un homme fort, un homme dont l'esprit a plus d'étendue, de pénétration, de force qu'on n'en a d'ordinaire.
Un élève fort, un élève qui sait bien ce qu'on lui enseigne. Il est fort en grec, en mathématiques.
Malgré la sévérité de ce professeur, j'étudiai sous lui pendant six mois, et je devins un de ses plus forts écoliers
de Alain René LESAGE dans Est. Gonzalez, chap. 4
Sémantique : Familièrement. Exemple : Il n'est pas fort, c'est-à-dire il s'en faut de beaucoup qu'il soit habile.
Sémantique : Familièrement. Il est fort pour parler, il parle plus qu'il n'agit.
Sémantique : Familièrement, être fort pour, signifie aussi avoir du goût pour. Il est fort pour le spectacle, pour le vin, pour jouer.
Être fort en gueule, parler beaucoup, avoir la repartie prompte, piquante, insolente.
Vous êtes, ma mie, une fille suivante, Un peu trop forte en gueule et fort impertinente
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans Tart. I, 1
En parlant des ouvrages d'esprit, qui témoigne de la force, de l'habileté. Ce jeune homme a fait une composition très forte.
Si ce discours vous plaît et vous semble fort, sachez qu'il est fait par un homme qui s'est mis à genoux pour prier....
de Blaise PASCAL dans Moyens, édit. FAUGÈRE.
Dieu veuille que ces derniers tomes soient cent fois plus forts que les premiers ! c'est ainsi qu'il faut répondre aux persécuteurs
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Lett. Damilaville, 26 juill. 1764
Sémantique : Ironiquement.
Dire : quel honneur vous me faites ! Messieurs, vous êtes trop honnêtes ; Ou quelque chose d'aussi fort
de Pierre Jean de BÉRANGER dans Acad. et Cav.
C'est une forte tête, une tête forte, c'est un homme judicieux et sagace.
Sémantique : Ironiquement, les fortes têtes de l'endroit, les notables les plus habiles d'une localité où il y a peu de lumières.
Exemple : Une tête forte, se dit aussi d'un homme qui supporte bien le vin.
Une imagination forte, imagination qui se représente les choses avec énergie.
Les hommes d'une imagination forte, comme Pascal, parlent avec une autorité despotique
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Lett. S'gravesende, 1er juin 1738
Avoir l'esprit fort, avoir de la vigueur, de la pénétration dans l'esprit.
Montrez un esprit fort en un corps abattu
de Jean de ROTROU dans Herc. mour. IV, 1
Exemple : Esprit fort, voy. ESPRIT, n° 20.
Si c'est le grand et le sublime de la religion qui éblouit ou qui confond les esprits forts, ils ne sont plus des esprits forts, mais de faibles génies et de petits esprits
de Jean de LA BRUYÈRE dans XVI
Bien fondé, appuyé sur de bons principes. De forts arguments. Une objection forte. De fortes preuves.
Il [Corneille] a un nom très respecté, il est mort ; voilà déjà une raison bien forte (je ne dis pas bien bonne) en sa faveur
de Jean Le Rond D'ALEMBERT dans Lett. à Voltaire, 27 janv. 1762
À plus forte raison, voy. RAISON.
20
Il se dit du style, des expressions, pour dire que l'énergie est jointe à la justesse. Un style fort et concis. Une éloquence forte et rapide.
Madame a passé du matin au soir, ainsi que l'herbe des champs ; le matin elle fleurissait, avec quelles grâces vous le savez ; le soir nous la vîmes séchée, et ces fortes expressions, par lesquelles l'Écriture exagère l'inconstance des choses humaines, devaient être pour cette princesse si précises et si littérales
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Duch. d'Orl.
Sémantique : Terme de peinture. Qui a de la précision et ne laisse rien de douteux. Contours forts.
21
Il se dit, en un autre sens, des expressions qui ont quelque chose d'outré, de dur, de dépassant la mesure.
Le paradoxe est fort
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans Femm. sav. IV, 3
L'épithète est un peu forte
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans Critique, 2
S'il faut user de termes forts, la force de la vérité me les arrache
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Var. Défense, 1er disc. § 54
Le comte de Polignac a écrit au nonce une lettre un peu forte
de Françoise d'Aubigné, marquise de MAINTENON dans Lett. à Mme de Caylus, 6 déc. 1717
Les éloges que Virgile, Horace et Ovide même prodiguèrent à Auguste étaient beaucoup plus forts [que les éloges prodigués à Louis XIV] ; et, si on songe aux proscriptions, ils étaient assurément bien moins mérités
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Frag. sur l'hist. art. XXVIII
Après Milton, après le Tasse, Parler de moi serait trop fort, Et j'attendrai que je sois mort, Pour apprendre quelle est ma place
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Stances, 1
Sémantique : Familièrement. Cela est fort, paraît fort, voilà qui est fort, ou c'est trop fort, c'est par trop fort, c'est un peu fort, se dit d'une chose qu'on ne peut croire, qui surprend désagréablement.
Vous m'avouerez que cela est fort, locution de la cour
de DE CAILLIÈRES dans 1690
22
Sémantique : Terme de fauconnerie. Volée du poing fort, action de lancer les oiseaux de poing sur le gibier.
23
Sémantique : Terme de droit coutumier. Forte clameur, amende que payait en quelques endroits celui qui perdait un procès.
24
Nature : S. m. Celui qui a une grande force musculaire ; il ne se dit que dans cette locution, les forts de la halle, les portefaix qui font le service de la halle au blé de Paris.
De la halle on dirait deux forts : Peut-être ce sont des milords
de Pierre Jean de BÉRANGER dans Boxeurs.
Se dit aussi de ceux qui portent les marchandises dans les ports.
25
Celui qui a la force ou la puissance. Protéger le faible contre le fort.
L'épouvante a surpris les forts de Moab, et tous les habitants de Chanaan ont séché de crainte
de Isaac Louis Lemaistre de SACY dans Bible, Exode, XV, 15
Le patient vaut mieux que le fort, et celui qui dompte son coeur vaut mieux que celui qui prend des villes
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Duch. d'Orl.
Quelquefois la sagesse a maîtrisé le sort ; C'est le tyran du faible et l'esclave du fort
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Pélop. I, 1
Exemple : Le pain des forts, voy. PAIN.
Dans le langage de la chaire, le fort armé, le diable.
Le fort armé, c'est le démon.... Jésus-Christ a chassé ce fort armé, quand il a ébranlé le coeur endurci et qu'on a fait pénitence
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Médit. sur les Évang. Sermon sur la mont. 19e jour.
26
La partie la plus forte, la plus résistante d'une chose. Le fort de la voûte, d'une poutre.
Mettre du bois sur son fort, le placer dans la position où il résiste le mieux à la charge.
Le fort du pied, le côté qui appuie le plus sur la terre.
Le fort de l'épée, le tiers du tranchant qui est à partir du talon, et avec lequel on pare surtout.
Zadig sut parer le coup, en opposant ce qu'on appelle le fort de l'épée au faible de son adversaire
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Zadig, 21
Le mi-fort, la partie de l'épée qui vient après le fort et qui est entre ce qu'on nomme le fort et le faible.
Fort de la pique, le milieu de cette arme.
Fort d'une balance romaine, le côté qui est le moins éloigné du centre ou point de suspension.
Sémantique : Terme de marine. Le fort d'un navire, le milieu qui en est la partie la plus enfoncée et en même temps la plus large.
Exemple : Ligne du fort, se dit, dans un navire, de la ligne jusqu'à laquelle il enfonce quand on le charge de toutes les marchandises qu'il peut porter commodément et sans péril, et qui est au-dessus de la ligne d'eau.
Le fort et le faible, ce qu'il y a de fort et de faible dans une personne, dans une chose.
Les hommes d'ailleurs, qui tous savent le fort et le faible les uns des autres, agissent aussi réciproquement comme ils croient le devoir faire
de Jean de LA BRUYÈRE dans XI
Je connais le fort et le faible de tous les états de la vie
de Florent Carton, sieur d'Ancourt, dit DANCOURT dans Retour des officiers, sc. 6
Le fort et le faible de tous les gouvernements a été examiné de près dans les derniers temps
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Dict. phil. États, Gouvernements.
Enfin après avoir examiné le fort et le faible des sciences, il fut décidé que monsieur le marquis apprendrait à danser
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Jeannot et Colin.
Exemple : Du fort au faible, le fort portant le faible, c'est-à-dire toute compensation faite. Quatre chevaux porteront tout cela, du fort au faible.
27
Se dit en parlant des sons.
Il [le rossignol] saute du grave à l'aigu, du doux au fort
de François René CHATEAUBRIAND dans Génie, I, V, 5
28
Sémantique : Terme de monnaie. Le fort, ce qui est en excès. Travailler sur le fort, tailler des flans ou espèces qui pèsent plutôt plus que moins et au delà du poids ordinaire.
29
Sémantique : Terme de chasse. Le plus épais du bois et des buissons, où les bêtes sauvages se retirent (on voit à l'historique que fort a été employé en termes de chasse bien avant de l'être en termes de fortification). Relancer la bête dans son fort.
Il entre dans le fort, se mêle avec les piqueurs
de Jean de LA BRUYÈRE dans VII
Lorsque les louves sont prêtes à mettre bas, elles cherchent au fond du bois un fort, un endroit bien fourré, au milieu duquel elles aplanissent un espace assez considérable en coupant, en arrachant les épines avec les dents
de Georges Louis Leclerc, comte de BUFFON dans Quadr. t. II, p. 193
Autrefois on en faisait le vol à l'épervier ou au faucon ; et, dans cette petite chasse, le plus difficile était de faire partir l'oiseau [le râle d'eau] de son fort
de Georges Louis Leclerc, comte de BUFFON dans Ois. t. V, p. 239
Les ombrages ne sont pour l'autre que des viandis, des forts
de Jean-Jacques ROUSSEAU dans Ém. IV
Sémantique : Fig.
Lorsque l'ennui pénètre dans mon fort, Priez pour moi : je suis mort, je suis mort
de Pierre Jean de BÉRANGER dans Mort viv.
Piquer dans le fort, pousser son cheval au galop dans le plus fourré du bois.
Exemple : Sortir du fort, rentrer au fort, se dit de la bête quand elle débuche et se rembuche.
Un loup.... Sortant hors de son fort rencontre une lionne
de Abbé Mathurin RÉGNIER dans Sat. III
30
Ouvrage de terre ou de maçonnerie capable de résister aux attaques de l'ennemi.
Et l'on ignore encor parmi ses ennemis L'art de reprendre un fort qu'une fois il a pris
de Pierre CORNEILLE dans Nicom. I, 2
Un fort ne se rend point qui n'est point combattu
de Jean de ROTROU dans Herc. mour. I, 1
Du débris de leurs forts il couvre ses frontières
de Jean RACINE dans Esth. Prol.
Pour moi, loin de la ville établi dans ce fort
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Tancr. III, 1
Forts de campagne, ceux qui sont faits pour garder des passages, ou pour défendre des lignes.
Fort à étoile, fort construit par angles rentrants et saillants, et ressemblant par sa forme à une étoile.
Le fort Louis, qui défend cette partie de l'établissement, n'est qu'un misérable fort à étoile, incapable d'une résistance un peu opiniâtre
de Guillaume Thomas, abbé RAYNAL dans Hist. phil. XIII, 32
Fort détaché, fort qui ne tient pas au corps de la place. Les forts détachés autour de Paris.
31
Sémantique : Fig. La partie essentielle, principale d'une chose.
Ce n'est pas sur moi que tombe le fort de cette accusation
de Blaise PASCAL dans Prov. 17
Voici le fort de l'objection
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Hist. II, 13
Le fort de la dispute entre Zénon et Arcésilas roulait sur le témoignage des sens
de Charles ROLLIN dans Hist. anc. liv. XXVI, 2e part ch. 1er.
Le fort et le fin, ce qu'il y a de plus difficile dans un art, dans une science.
Te prouver à toi-même en grec, hébreu, latin, Que tu sais de leur art et le fort et le fin
de Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX dans Sat. VIII
Le plus fort, ce qu'il y a de plus difficile, de plus pénible.
Que reste-t-il ? le plus fort en est fait
de Jean de LA FONTAINE dans Rich.
Voilà le plus fort passé
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 470
De son plus fort, autant que l'on peut.
Que j'y courrais, et tout de mon plus fort
de Jean de LA FONTAINE dans Herm.
32
Le plus haut degré, en parlant de choses physiques.
L'on ne pria les saints qu'au fort de la tempête
de Abbé Mathurin RÉGNIER dans Sat. VI
Pareille à ces éclairs qui dans le fort des ombres....
de Pierre CORNEILLE dans Hor. III, 1
Pendant ce temps heureux, passé comme un éclair, Je me couchais sans feu dans le fort de l'hiver
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans Sgan. II
Point de glace, bon Dieu ! dans le fort de l'été, Au mois de juin....
de Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX dans Sat. III
Xipharès.... qu'au fort du combat une troupe rebelle....
de Jean RACINE dans Mithr. V, 4
Ce fut au fort des fêtes que l'on faisait pour cette nouvelle reine, dans tout l'éclat d'une cour brillante, que le chevalier de Grammont vint contribuer à sa magnificence et à ses plaisirs
de Antoine HAMILTON dans Gramm. 6
Il se dit, dans le même sens, des choses non physiques.
Dans le fort de ma colère, je n'ai point fait de plaintes contre vous qui ne fussent accompagnées de louanges
de Vincent VOITURE dans Lett. 55
Ici, au contraire, il nous a fallu reprendre celle-ci [Corbie] dans le fort d'une infinité d'autres affaires qui nous pressaient de tous côtés
de Vincent VOITURE dans ib. 74
Et vous donne, au plus fort de vos adversités, Le sceptre que j'attends et que vous méritez
de Pierre CORNEILLE dans Médée, II, 5
Au fort de ma douleur tu rappelles ma crainte
de Pierre CORNEILLE dans Poly. II, 3
[Il] Se jette furieux au plus fort du danger
de Jean de ROTROU dans Antig. I, 4
Il ne manqua pas non plus au fort de la conversation.... d'être saisi par quatre hommes masqués
de Paul SCARRON dans Rom. com. I, 9
Leur triomphante joie, au fort d'un tel outrage
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans Psyché. Prol.
Toujours tu me verras, au fort de mon ennui, Mettre tout mon plaisir à te parler de lui
de Jean RACINE dans Alex. IV, 3
Ce qui fait la force, la supériorité d'une personne. La critique est son fort. Tout le fort de cet homme est la mémoire.
C'est ici son fort, et l'endroit fatal où il prend de nouveaux avantages
de Jean-Louis GUEZ de BALZAC dans le Barbon.
Le principal effet de l'émulation, c'est de nous inspirer un désir de l'emporter sur notre adversaire dans les choses où il fait son fort
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans 4e sermon, Annonc. 1
Même sur le siége, qui est son fort [de Vauban] et où il décide souverainement....
de Jean de LA BRUYÈRE dans XII
Il voulut provoquer Matta par son fort
de Antoine HAMILTON dans Gramm. 4
Nous inventons des réponses aux objections de l'adversaire, et nous ne songeons à lui que pour trouver le défaut de ses opinions ; d'où il arrive que nous sommes plus instruits de ce que nous appelons nos bonnes intentions que de celles où il met le fort de sa cause
de BAYLE dans Comment. philos. IV, 2
Faire fort sur, compter sur, arguer de.
Je n'ai jamais trouvé, parmi nos prétendus réformés, aucun homme de bon sens qui fît fort sur cet article
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Var. XIII, § 10
33
Fort, adv. D'une manière forte. Pousser fort.
Les chirurgiens, qui, ayant lié le bras médiocrement fort, au-dessus de l'endroit où ils ouvrent la veine, font que le sang en sort plus abondamment que s'ils ne l'avaient point lié
de René DESCARTES dans Méth. V, 7
Fort, madame, frappez comme il faut
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans G. Dand. II, 11
Elle m'embrassa fort
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 12
Il se dit, dans le même sens, des choses morales.
Mme d'Orgimont aime plus fort, mais vous aimez mieux
de Stéphanie Félicité Ducrest de St-Albin, comtesse de GENLIS dans Veillées du château t. I, p. 152, dans POUGENS
Jamais l'amitié N'a parlé dans mon coeur plus fort que la pitié
de ARNAULT dans Oscar, II, 1
Sémantique : Familièrement. De plus fort en plus fort, avec une force croissante. Il crie de plus fort en plus fort.
34
Extrêmement, beaucoup. Il gèle fort. Fort beau. Fort aimable. Fort heureusement. Fort bien. Fort mal.
Auguste est fort troublé, l'on ignore la cause
de Pierre CORNEILLE dans Cinna, IV, 5
Et je m'étonne fort d'où vous vient cette audace
de Pierre CORNEILLE dans Rodog. IV, 6
Vous m'obligerez fort d'en prendre le souci
de Pierre CORNEILLE dans Théod. II, 1
....Je suis un valet, mais fort homme d'honneur
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans l'Ét. II, 9
Quelque fort qu'on s'en défende, Il faut y venir un jour
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans Princ. d'Él. V, 5e interm.
Je trouvai ici le chevalier à mon arrivée ; nous causâmes fort, il me dit des choses particulières et très agréables
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 30 oct. 1680
Il est fort de nos amis, j'ai reçu de lui mille consolations cet hiver passé
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 8 juill. 1685
Je postulerai fort et ferme une place dans votre académie
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Lett. Devaux, 1751
Du reste ils sont fort les maîtres de m'excommunier, si cela les amuse
de Jean-Jacques ROUSSEAU dans Lett. à Meuron, 23 mars 1765
S'il suffit d'être homme pour nous plaire, pourquoi donc me déplaisez-vous si fort ?
de Pierre Augustin Caron de BEAUMARCHAIS dans Barb. de Sév. II, 4
Madame est fort amie avec Mme de Saint-Alban
de Stéphanie Félicité Ducrest de St-Albin, comtesse de GENLIS dans Théât. d'éduc. l'Intrigante, I, 1
Si fort, suivi d'un adjectif.
Un si rare service et si fort important Veut l'honneur le plus rare et le plus éclatant
de Pierre CORNEILLE dans Hor. V, 2

PROVERBES

1
Exemple : Jeunesse est forte à passer, c'est-à-dire c'est un temps difficile à passer.
2
Exemple : Vos fortes fièvres quartaines, se disait par forme d'imprécation.

REMARQUE

1
1. Plusieurs grammairiens ont réclamé contre la décision qui oblige à dire : Cette femme se fait fort de fournir la somme demandée ; ils se font fort de.... Déjà, en 1668, Marguerite Buffet, Observ. p. 195, prétendait qu'il fallait dire : Elle se fait forte. La vérité est que la locution était parfaitement régulière quand fort était des deux genres ; l'ancienne langue disait uns hom fors, une femme fors. Aujourd'hui que fort fait au féminin forte, il ne reste plus là qu'un archaïsme qui mériterait sans doute d'être conservé s'il s'était transmis sans variation ; mais depuis longtemps, comme on peut voir à l'historique, l'analogie nouvelle de la langue l'a enfreint. Voilà pour le féminin ; quant au pluriel, dire : Ils se font fort et non forts, cela n'est fondé ni sur l'archaïsme ni sur la grammaire ; fort est ici adjectif et non adverbe.
2
2. Nodier et quelques autres ont signalé fort de.... comme un néologisme blâmable. Mais on peut voir au n° 2, que ce n'est point un néologisme. À quoi on peut ajouter que, grammaticalement, il n'y a rien à blâmer dans cette tournure.

HISTORIQUE

1
XIe s.
Et bels et forz et isnels et legers
dans Ch. de Rol. CI
Ce dist Rolanz : forz est nostre bataille
dans ib. CXXVIII
Siglent à fort et nagent et gouvernent
dans ib. CLXXXVI
[Ils] Vestent hauberz blancs et forz et legers
dans ib. CCLXXXII
Ceste dolor ne demenez tant fort
dans ib. CCVIII
2
XIIe s.
Car je ne sui si forz ne si hardiz Qu'envers amor [je] me peüsse contendre
dans Couci, v
Car tant est fort et cruels sa prisons
dans ib. XII
Vous irez à Cologne, la fort cité garnie
dans Sax. VII
Et [ils ont] les murs crevantés de fort arene bise
dans ib. XII
Li arcs des forz est surmuntez, e li fieble sunt esforcié
dans Rois, p. 6
3
XIIIe s.
Li hom fors veraiement sostient molt de choses terribles et de grans outrages por enprendre ce que convient et por laissier ce que est à laissier
de Brunetto LATINI dans Trés. p. 300
Jà soit ce que en chascune chose soient entremeslé tuit li quatre element, il convient que la force des uns i soit plus fors, selonc ce que plus i abonde
de Brunetto LATINI dans ib. p. 107
Trop estoit la vile fors
de Geoffroi de VILLEHARDOUIN dans CXXXV
Derrier le haterel [cou] [ils] lui ont si fort noué [la corde]
dans Berte, X
Que nul esploit ne porra faire ; Que [car] li set buef ne puent traire, Que trop est fort la terre et dure
dans Ren. 15551
Chil [celui-là] est fors lerres [larron] qui vent coivre por or ou estaint por argent
de Philippe de BEAUMANOIR dans XXXI, 10
4
XIVe s.
Et devez savoir que le demourant de chest [ce] chapistre est mal à entendre, fort à translater, et aussi comme inutile quant à ceste science
de Nicolas ORESME dans Eth. VI, 10
Et semblablement celui qui est fort de corps ou celui qui est bien taillés à courir
de Nicolas ORESME dans ib. 27
....Aristote entent tousjours par fors ceulx qui ont la vertu de fortitude
de Nicolas ORESME dans ib. 79
Ceulx desquelz l'ire est forte à oster et dure longuement
de Nicolas ORESME dans ib. 129
En toutes choses c'est fort de prendre le moien et de assener au moien
de Nicolas ORESME dans ib. 54
Ceulx exemples t'ay dit de la mort, Mais je te vueill dire plus fort, C'est de la roe de fortune Qui fait son tour comme la lune
dans Le livre du bon Jehan, 77
Il estoit grans et fors, et s'estoit bien fourniz, Et desirans des armes de faire les deliz
dans Guesclin, 319
Bertran à son voloir venir ne pooit mie, Car souvent ot affaire contre forte partie
dans ib. 17118
Et je me fai bien fort, devant tous en oyant, Que nous tous qui ci sommes assemblez en estant, Irons avecque lui du tout à son commant
dans ib. 5357
S'est che moult fort à faire, par Dieu qui crea tout
dans Baud. de Seb. VI, 586
Les peres avoient fet leur fet et leur fort de lui delivrer
de Pierre BERCHEURE dans f° 46, verso
S'il advient que tu destournes un cerf des taillis et tu le poursuis jusques au fort
dans Modus, f° XII, verso
5
XVe s.
On nous avoit informés que, si vous aviez mille lances, vous seriez forts assez pour combattre les Anglois ; je me fais fort que vous en avez bien mille et plus
de Jean FROISSART dans II, II, 236
Et jurerent à estre bons Anglois, de ce jour en avant, tant que le roi d'Angleterre ou personne forte de par lui les voudroit ou pourroit tenir en paix devers les François
de Jean FROISSART dans I, I, 302
Oncques ne fut que le fort ne mangeast le foible, le riche, le pauvre
de GERSON dans Harengue au roi Charles VI, p. 16
De cy dormir suis bien d'acort ; Car nous avons fait le plus fort
dans le Livre des trois rois
Grand tourment a, puisque si fort se plaint, Je l'oy crier piteusement secours
de Charles D'ORLÉANS dans Bal. 27
Anuy, soussy, soing et merencolie, Se vous prenez desplaisir à ma vie, Et desirez tost avancer ma mort, Tourmentez moy de plus fort en plus fort
de Charles D'ORLÉANS dans Chanson, 74
Et que si, dirent elles, nous nous faisons fortes pour lui
dans Jeh. de Saintré, chap. 4
Par ma foy, il pert [il paraît] bien que vous n'estes gueres sage ; mais, au fort, faites vostre guise, car il ne m'en chault
dans Les 15 joies de mariage, p. 61
Et faisoit-on de plus fort en plus fort grands joyes, cheres, festes et esbateures
de Jean JUVÉNAL DES URSINS dans Charles VI, 1412
.... Eulx aussi l'ayderoient, c'est à savoir chascune seigneurie de huit galées ; et se faisoient forts de ceulx de Rhodes
dans Boucic. I, chap. 29
Si leur dict que voirement tant avoyent mefait que plus ne pouvoient.... mais que au fort [à la rigueur] tout leur seroit pardonné
dans ib. III, 8
Ce seroit aussi forte chose, Passer par le tro d'une aguille Un chamel, teste [texte] est d'evangile, Com d'un riche mondain seroit Qui en paradis entreroit
de Eustache DESCHAMPS dans Poésies mss. f° 269
J'ai toujours ouï dire que contre forts et contre faux ne valent ne lettres ne sceaux
de Olivier DE LA MARCHE dans Mém. liv. II, p. 621, dans LACURNE
Il n'y a si fort que de commencer [le plus difficile est de commencer]
dans Perceforest, t. IV, f° 137
Et qu'au fort s'il falloit qu'ils mourussent pour executer une telle entreprinse, qu'ils prendroient la mort en gré
de Philippe de COMMINES dans II, 12
La compagnie dejeunoit au plus fort et faisoit le chaudeau
de LOUIS XI dans Nouv. LIII
6
XVIe s.
L'effet receu de tes premiers efforts, De tes hauts faits advenir nous faits forts
de Clément MAROT dans I, 236
[Un homme si bas] Vous pourroit-il saluer hautement ? Fort lui seroit, car petite clochette A beau branler, avant qu'un haut son jecte
de Clément MAROT dans II, 90
Tien-toy donc fort du seul Dieu triumphant....
de Clément MAROT dans III, 285
Le Dieu, le fort, l'Eternel parlera
de Clément MAROT dans IV, 292
Elles ont nez, et ne sauroient jouir D'odeur douce ne forte
de Clément MAROT dans IV, 325
Le Dieu de Jacob c'est un fort Pour nous encontre tout effort
de Clément MAROT dans IV, 292
Amour grava vostre beauté Au plus fort de ma loyauté
de Joachim DU BELLAY dans III, 54, recto
Qui quiert le feu aux veines d'une pierre, Qui court au bois, forts des bestes sauvages
de Joachim DU BELLAY dans IV, 40, recto
Madame a esté merveilleusement malade d'une forte colique. ....elle se trouve fort foible encores
de Marguerite de Navarre, dite aussi de Valois, ou d'Angoulême, reine de Navarre dans Lett. 11
Si j'entendoys aussi bien comme l'on peult vaincre par rigueur et audace ung coeur obstiné que vous faictes la passion de M. de Saint-Pol, je me feroys forte que le roy seroit obey
de Marguerite de Navarre, dite aussi de Valois, ou d'Angoulême, reine de Navarre dans Lett. 104
Au plus fort de son mal, il ne fait que parler et s'esbattre
de Marguerite de Navarre, dite aussi de Valois, ou d'Angoulême, reine de Navarre dans ib. 84
Si vous m'aimez autant que vous dites, je suis sure que, pour avoir ma bonne grace, rien ne vous sera fort [difficile] à faire
de Marguerite de Navarre, dite aussi de Valois, ou d'Angoulême, reine de Navarre dans Nouv. XXIV
Ayant esté bien fort offensé par les Limosins
de Michel de MONTAIGNE dans I, 1
Forte battaille
de Michel de MONTAIGNE dans I, 19
Il n'est rien qui abastardisse si fort une nature bien née
de Michel de MONTAIGNE dans I, 183
Au fort de l'eloquence de Cicero, plusieurs entroient en admiration
de Michel de MONTAIGNE dans I, 189
Le pouls lui bat fort
de Michel de MONTAIGNE dans I, 339
Dans le plus fort du doubte
de Michel de MONTAIGNE dans II, 106
C'estoit l'homme du monde le plus fort [difficile] à tenir, car il ne se passoit jour qu'il ne fist quelque folie
de Bonaventure DESPÉRIERS dans Contes, IV
Il trouvoit le vin assez fort sans eau, buvant sicut terra sine aqua
de Bonaventure DESPÉRIERS dans ib. LXXXVII
Theseus se faisant fort, et promettant qu'il viendroit au dessus du Minotaure
de Jacques AMYOT dans Thésée, 20
Le fer entra si avant dedans la terre, qui estoit forte et grasse, que nul ne le peut arracher
de Jacques AMYOT dans ib. 32
Ceulx qui estoient plus faits et plus forts apportoient du bois : ceulx qui estoient plus petits et plus foibles, des herbes
de Jacques AMYOT dans Lyc. 36
Themistocle leur nia fort et ferme
de Jacques AMYOT dans Thémist. 37
Le louant comme un fort homme de bien
de Jacques AMYOT dans Caton, 51
Les Macedoniens luy en sceurent fort mauvais gré, et l'en blasmerent fort
de Jacques AMYOT dans Pyrrhus, 59
La barbe forte et espesse, le front large, le nez aquilin
de Jacques AMYOT dans Anton. 5
Teligni jure et asseure savoir bien que c'estoit pour un fort de plaisir [petite guerre] qu'on vouloit attaquer dans la cour du Louvre
de Théodore Agrippa D'AUBIGNÉ dans Hist. II, 16
Il avoit esté contraint de se retirer en son logis et y tenir fort cinq ou six heures
de Vincent CARLOIX dans I, 20

ÉTYMOLOGIE

1
Bourguig. fô ; provenç. fort ; espagn. fuerte ; portug. et ital. forte ; du latin fortis.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

1
Dans les raffineries de salpêtre, eaux fortes, celles qui n'ont plus qu'à passer une fois sur des terres neuves pour devenir eaux de cuite.
2
De plus fort, plus fortement, avec plus de force.
L'ordonnance du 20 juillet 1825, voulant assurer de plus fort l'exécution complète de la loi du 1er mai 1822
dans Gaz. des Trib. 4 janv. 1873, p. 10, 3e col.

Termes proches de FORT, ORTE